Plaine

Dans le relent des runes
Venté par les bolducs
Hanté par les vannes brunes
S'ouvrant sur les sucs
Tu languissais

La gueule hérissée de pointes
La bave aiguë aux vagues qui grumellent
Le fog assourdissant des pelotes qu'on démêle
Et que la nuit harassée en un seul jour éreinte
Tu étais là

Au son des clochettes tu vannais les tamises
Chantant de ton cœur pur les odéons des bois
Tu voulais aux aïeux retirer les chemises
Pour hanter les couloirs des parvenus rois

Sans conteste l'ombrage au matin avait muté
Transplanté sur la terre des meules et des plis
Tu avais dévalé, longé et chuté
Le long des livres lus les descentes de lit

Rudes les tombeaux
Rudes les avares
Ils se défendent le jour et pèse leurs aliments
Revenus des campagnes où grondent les bagarres
Ils corrigent vainqueurs les cris des animaux
Et pansent leurs blessures au chant des vétérans

Tout est en place pour le rude hiver
Une bastringue ouverte qui sentirait l'ail
Une chance qui naît de dedans les entrailles
Un air venu de loin aux relents de misère

L'horizon s'ouvre sur la coutume
Lui le vilain caché au milieu de ses brumes
Il craque et panique au crépuscule des dieux
Grondant derrière les saules son chant de lépreux

Puis le vent se lève, dissipant le brouillard
Les grumeaux qui jadis obstruaient la vue
Balayés par les stries balayés par le flux
Laissant voir nu le sillon campagnard

Il est là inerte dans la plaine
La terre noire est celle des volcans
La lave monte seule et lentement
Filant doucement sa pelote de laine

O ombre du passé des ducs
O tamis de la ventée montagne
O tarses des armées qui gagnent
O cadeaux mités de bolducs

Vous avez vanté les saints
Vous avez hanté les pierres
Les pyroxènes lointains
Les astres de lumière

Vantez donc un peu les rigoles
Dans lesquelles les ombres tragiques ruissellent
Sur le vent des belles paroles
Chantant ses cordes et ses ficelles

J'en veux pour preuve la lubie
Qui charme les poitrines velues
Lovées en runes abolies
Priant les vents revenus

Ils hantent les brouillards grumeleux de toujours
Fascinent par les pattes les animaux qui courent
Ils croquent et craquent mes masures
Faisant d'un coup de patte trembler les moindres murs

J'attend dans le dévers la chanson du mille pattes
Les aventures nuageuses d'un grumeau de poussière
Je chante les facettes de mes milles savates
Tapi au coin du feu de ma boutonnière

(Emile Lyre, Octobre 2019)